Barroude Juillet 2012

La balade des Sarrasins et des Templiers


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Introduction

Au milieu des années 90, sur les conseils de Guy Mevelec, guide de haute montagne, nous avions organisé l'ascension du pic de la Munia en passant par le cirque de Barroude et le versant espagnol. Nous n'avions à l'époque pas tout à fait réussi à atteindre le sommet. Quelques genoux un peu douloureux nous avait conduits à faire prudemment demi-tour. C'était tout de même un bel exercice de lecture de carte et du terrain. Nous n'avions ce jour-là comme unique compagnie, que quelques groupes d'isards.
Le spectacle de la majestueuse muraille calcaire qui se reflète du haut de ses 500 à 600 m dans les eaux des lacs, les pâturages et la présence humaine du petit refuge, m'avait en tant que randonneur contemplatif, marqué. Il était grand temps d'y retourner !

Le projet

Le projet initial consistait à rejoindre en voiture le hameau le Plan qui se trouve en vallée d'Aure sur la route d'accès au tunnel d'Aragnouet –Bielsa. De là, rejoindre à pied le cirque de Barroude et 1er bivouac.

Le 2ème jour, gravir le pic de Barrosa, puis par une longue descente côté espagnol rejoindre l'Hospital de Parzan afin de contourner la sierra Pelada. : 2ème bivouac.

Le 3ème jour , remontée par le Port Vieux et retour au Plan.

Nous nous réservions la possibilité de modifier notre itinéraire au vu des renseignements glanés au refuge.


Nous sommes 6 à tenter l'aventure : Lucie, Monique, Philippe ,Georges, Denis et moi.



Récit

Jour 1 :

Rejoindre le plan par les cols du Tourmalet et d'Aspin n'était pas une mince affaire en cette veille de passage du Tour de France. La descente du col d'Aspin requiert une grande prudence. L'étroitesse de la chaussée rend les croisements de véhicules problématiques. Nous mettrons 2h pour parcourir les 80 km du trajet.

Le Plan, nous voici au départ, sur la rampe d'accès au tunnel d'Aragnouet. Les camions défilent à bonne allure. Il fait grand beau mais pas trop chaud. L'idéal pour les 1000m de dénivelé qui nous attendent .

L'itinéraire emprunte le vallon du Nesle de la Géla. Les prairies occupent rapidement tout l'espace. Nous cheminons tranquillement. Le but de cette première journée est d'atteindre l'étape sans puiser dans ses réserves physiques.

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Des vaches, placides, paissent en fond de vallon. Peu après la cabane de la Gela, le sentier s'élève sur la droite. En arrière plan, le haut de la muraille de Barroude nous indique la distance qui nous reste à parcourir. Pause déjeuner. Les raidillons se succèdent de plus en plus rocailleux. L'entrée du cirque à l'aplomb du pic de Gerbat se fait dans un paysage de rocailles rapidement remplacés par les lacs et les pâturages dominés par l'imposante falaise .

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Il est à peine 16h, nous sommes au refuge du Barroude. Nous avons tout le temps de nous installer. Mais avant, une bonne bière basque s'avère indispensable. Nous en profitons pour nous renseigner auprès du gardien sur la cohérence de notre itinéraire pour les deux jours suivants. Un randonneur fin connaisseur des environs, nous donne également son avis. Après mûre réflexion et maintes concertations, nous décidons de changer radicalement nos plans pour les deux jours à venir.

Le campement est installé à l'extrémité nord du plus grand des lacs non loin du refuge. Les pêcheurs, avec la fraîcheur du soir et l'humidité du soir, remballent leur matériel et se replient sur le refuge.

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Après le dîner, nous faisons tranquillement le tour du lac pour nous réchauffer. Quelques isards se promènent sur les pentes menant au port de Barroude. Denis tente de nous initier à l'extrême complexité géologique du site.

Bonne nuit à la belle étoile pour Lucie et moi, un peu moins bonne pour ceux qui ont subi les ronflements intempestifs de leur compagnon de tente .

Jour 2 :

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Le réveil est grandiose. La muraille semble en feu. Des centaines de moutons investissent l'espace environnant au son de leurs clochettes.

Petit-déjeuner, démontage du camp, bref passage au refuge pour prendre l'eau. Il est un peu plus de 8h . Nous nous dirigeons vers le port de Barroude. C'est d'ici que la vue du cirque est la plus complète. Nous empruntons sur la gauche (direction SE) une croupe arrondie très minérale qui nous conduit au pic de Barrosa (2763 m) qui n'est pas très pointu !. Panorama sur l'envers du pic de Troumouse et de la Munia ainsi que sur Pyrénées espagnoles. Retour un moment vers le port de Barroude puis nous prenons un petit sentier qui escalade le soum de Barroude en restant sur le versant Barroude. Nous contournons toujours côté Barroude une petite barre rocheuse d'une vingtaine de mètres et nous débouchons sur un espace herbeux à l'extrémité NE. De cet endroit, part un sentier tracé qui conduit, après une descente raide puis un cheminement à flanc, au Port Vieux.

De là, nous empruntons un petit sentier qui permet l'ascension du pic de l'Aiguilette. Nous le délaissons avant qu'il ne passe côté Français pour nous diriger sans difficultés plein E sous les crêtes du Port Vieux en direction du port de Bielsa. A la pause déjeuner nous sommes confiants pour la suite du parcours.

Peu après nous rencontrons une difficulté : Le sentier s'arrête net face au vide . La raideur et la hauteur interdisent tout passage. Seule solution : monter dans la pente en bordure du précipice en espérant qu'au niveau de la crête la pente s'adoucisse et permette le passage. Bonne pioche, au bout de quelques mètres de montée, de petites flèches blanches peintes sur la roche, nous encouragent à persister. La montée est raide. Personne ne dit mot. Plus haut, un isard solitaire semble nous indiquer le passage. Ça passe mais il ne faut pas glisser !

Petite pause au port de Bielsa avant d'entamer la suite de notre périple. Nous poursuivons en direction du port de Héchempy par les crêtes de Bataillence. Passage au pic de Bataillence. A certains endroits, la pente s'adoucit côté français . Notre destination du jour est en vue : le lac de Héchempy que nous comptions rejoindre à partir du port du même nom.

Mais voilà, en atteignant un petit sommet de la crête surmonté d'un crucifix, nous nous trouvons face à un à pic vertigineux qui nous oblige à descendre très bas côté espagnol sans certitude de franchissement. C'est Philippe qui propose la solution un peu osée : basculer côté français par un éboulis assez raide qui devrait permettre de rejoindre un sentier visible en contre-bas. Après un test de praticabilité ce sera la solution retenue en espérant ne pas être bloqués par une barre rocheuse. Après le passage de la première partie de l'éboulis, nous obliquons sur notre gauche par une pente herbeuse pour rejoindre un étroit passage entre deux barres rocheuses, permettant par une seconde pente herbeuse de rejoindre le sentier qui nous conduit rapidement au lac de Héchempy.

Il est à peine 16 h. La baignade s'impose. L'eau bien réchauffée par un soleil généreux est appréciée de tous. Sieste. Montage du campement. Il n'y pas âme qui vive. Repas. Des moutons commencent à défiler bientôt par centaines survolés par des vautours attentifs à leurs moindre faux pas. Ils (les moutons) respectent le campement. Le tour du lac nous permet de constater après de grosses discussions que le tracé sur la carte d'un des sentiers de descente ne correspond pas à la réalité du terrain. Nous allons donc prendre la deuxième option qui remonte un peu en direction du col de Hechempy.

Deuxième nuit à la belle étoile pour Lucie et moi. Il y a du vent et des étoiles filantes.

Jour 3 :

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Ce dernier jour, nous espérons une fin de rando sans histoire. Nous déchantons rapidement. Dès le départ, je m'engage dans une trace qui se perd. Il nous faut remonter dans l'herbe. Nous repassons à l'endroit ou nous avions rejoint le sentier la veille et là, nous passons la barre rocheuse avec la plus grande attention. Plus loin, la sente est coupée net par une pente raide de rochers et de terre. Aucune trace visible. Nous contournons l'obstacle par le bas. La sente reprend.

Non loin du col, j'estime que nous aurions déjà coupé la trace du sentier de descente. Aucune trace n'est visible. La pente n'est pas raide, il nous est facile de descendre dans l'herbe. En observant les ruptures de pentes nous retrouvons le tracé probable du sentier manifestement pris par la végétation. Plus bas, la pente s'adoucit, sur la droite une trace bien visible nous tente. C'est un piège heureusement éventé au bout de quelques minutes...C'est fort bien dissimulé derrière le quatrième rocher en partant de la droite en bordure de la partie plane que le sentier reprend sa descente raide mais praticable. Petite halte.

Plus loin, la vigilance de Philippe nous évite une erreur de direction. Le sentier continue sa descente dans les pentes raides couvertes de buisson de rhododendrons. Il y a là de la place pour mettre un pied en largeur. Une halte au torrent dont les bords sont d'une belle couleur rouille s'impose. Il sort de terre un peu plus haut et est indiqué sur la carte comme une source ferrugineuse.

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Une mine de fer à été exploitée dans cette partie de la montagne jusqu'aux années 1930. L'eau est agréable à boire mais dans le doute, avec modération !!

Nous passons dans une zone à myrtilles ( dont trop peu sont à point) et, une fois de plus, sans prévenir le sentier est coupé net sur une dizaine de mètres. Le passage est impossible sans matériel adéquat. Nous descendons donc dans l'éboulis en contre bas, traversons sans difficulté le torrent ferrugineux, et prenons pied sur une sente qui serpente l'autre rive. Le tracé surplombe joliment les successions de petites cascades et quelques baignoires naturelles bien tentantes.

Les granges de Moudang, c'est le retour à la civilisation. Les bâtiments du hameau semblent bien entretenus mais ce jour-là inoccupés. C'est un but de promenade. Un grand panneau d'informations indique une réflexion pastorale en cours au sujet des sentiers du massif qui disparaissent sous la végétation faute de passage et d'entretien suffisants.

Pause déjeuner originale puisque nous testons (partiellement) la méthode alimentaire préconisée par nos hauts responsables montagne : 200 gr de fruits sec et deux barres de céréales par personne à grignoter tout au long de la journée.

La descente vers le port de Moudang par une piste large et confortable nous parait rapidement ennuyeuse. L'odeur des ifs et l'ombre de la belle hêtraie sont appréciées . Il commence à faire chaud. Plus bas, un parc accrobranche dispense des sensation fortes à une nuée de jeunes. Ici, l'homme redevient singe...

Pont du Moudang, il nous faut encore rejoindre les voitures au Plan. Je suis surpris par la raideur du sentier. Il fait bien chaud. Les camionneurs qui rejoignent le tunnel d'Aragnouet sollicitent les moteurs diesel sur l'autre versant, nous, ce sera les mollets. A pied, nous avons le privilège de remarquer la discrète chapelle des Templiers (en rénovation) qui servait à la communauté de moines-soldats au temps où ils protégeaient les vallées pyrénéennes des incursions Sarrasines.

En conclusion

Ces trois jours d'aventure se sont superbement passés. La solidarité et le dynamisme sans faille de tous étaient essentiels pour ce type d'exploration avec son lot d'imprévus. La météo stable était indispensable pour des raisons d'orientation et de sécurité : l'herbe mouillée glisse. Et puis, osons l'écrire ...nous avions notre potion magique : il n'y a rien de mieux qu'une rasade de vin rouge pour accompagner la soupe du soir ou une lampée de cognac au sommet du pic de Barrosa pour se réchauffer le sang et se sentir tour à tour sarrasin chevauchant les crêtes ou templier gardien des frontières.

Michel

 

Lien sur l'album des photos de la randonnée:

http://gmcbrasso.free.fr/BARROUDE2012/album/index.html